Séance Publique annuelle de l’Académie Française
du jeudi 11 novembre 1875.
Rapport du secrétaire perpétuel de l’Académie, M. Henri Patin, sur les concours de 1875.
Messieurs,
Nous ne pouvons, sans que se renouvellent en nous de bien douloureux regrets, inaugurer aujourd’hui le prix triennal fondé par M. Guizot, pour provoquer, pour récompenser de belles œuvres critiques, soit sur les grandes époques de la littérature française, soit sur la vie et les œuvres de ses grands écrivains. […] Le choix de l’Académie toutefois s’est fixé, après un mûr examen, sur l’œuvre en tous points considérable, qu’un savant professeur de l’École des chartes, M. Léon Gautier, a consacrée spécialement à la Chanson de Roland. […] M. Léon Gautier nous a donné ce que nous étions en droit d’attendre de lui. Nous lui devons, après d’autres éditeurs sans doute, d’autres interprètes, dont il serait injuste de ne pas tenir, comme il le fait lui-même, grand compte, un texte de la Chanson de Roland, habilement reconstitué, selon les procédés sévères, et avec les savantes ressources de la critique moderne, fidèlement autant qu’élégamment traduit, commenté enfin très-amplement sous des formes diverses. […]
La première attribution qu’il nous est donné de faire du prix institué par M.Guizot, se trouve par une heureuse fortune être un hommage indirect à la mémoire du fondateur. Ce texte précieux, matière de tant d’estimables œuvres, et, en dernier lieu, de celle que nous croyons devoir récompenser, c’est M. Guizot qui, en 1833, pendant son premier ministère, a donné à M. Francisque Michel la mission de l’aller copier à Oxford et de le publier ; C’est à lui que le doivent la France et l’Europe lettrée. Si, au gré de nos vœux, sa vie s’était assez prolongée pour qu’il pût présider lui-même à la première application de ses dispositions généreuses, nous ne doutons pas qu’il n’eût lui-même proposé à notre choix l’habile interprète de la Chanson de Roland. Juge de M. Léon Gautier, pendant plusieurs années, dans l’Académie des inscriptions et belles-lettres, il a toujours porté un vif intérêt à ses travaux, et il a plus récemment témoigné de l’estime qu’il en faisait, lorsque dans son dernier ouvrage, si malheureusement interrompu, rappelant le désastre de Roncevaux, d’après l’histoire d’abord, puis d’après la légende, et citant même quelques strophes du vieux poëme, il en a emprunté la traduction au livre de M. Léon Gautier. Ce noble prix Guizot qu’il a le premier l’honneur d’obtenir, M. Léon Gautier a le droit de penser qu’il le reçoit de M. Guizot lui-même […]